Art. 118 — Péremption retrait de permis

1 Le permis de construire est périmé si, dans le délai de deux ans dès sa date, la construction n’est pas commencée.

2 La municipalité peut en prolonger la validité d’une année si les circonstances le justifient.

3 Le permis de construire peut être retiré si, sans motifs suffisants, l’exécution des travaux n’est pas poursuivie dans les délais usuels ; la municipalité ou, à défaut, le département peut, en ce cas, exiger la démolition de l’ouvrage et la remise en état du sol ou, en cas d’inexécution, y faire procéder aux frais du propriétaire.

4 La péremption ou le retrait du permis de construire entraîne d’office l’annulation des autorisations et des approbations cantonales.

 

Dernière mise à jour: le 21 mars 2022

Laurent Pfeiffer
Docteur en droit
Avocat au Barreau
Spécialiste FSA en Droit de la construction et de l’immobilier

Généralités

La limitation dans le temps du permis de construire prévue par cette disposition répond au principe de la clarté des relations juridiques. D’une part, un permis de construire ne saurait faire échec à une modification législative au-delà d’une certaine durée; d’autre part, les voisins ont un intérêt légitime à savoir que la validité du permis est limitée et que, à défaut d’un début des travaux dans un certain délai, ceux-ci ne pourront être réalisés à moins d’une nouvelle demande de permis (CDAP AC.2015.0259 du 29 janvier 2016 consid. 4b et les références).

Le délai de deux ans de l’art. 118 al. 1 LATC court dès la date du permis (CDAP AC.2015.0259 précité, consid. 4d et la référence); le moment déterminant pour apprécier la question de savoir si les travaux ont ou non commencé est le jour de péremption du permis de construire – il n’y a ainsi pas lieu de prendre en considération dans ce cadre les éventuelles démarches effectuées postérieurement à cette date (Tribunal fédéral [TF] 1C_150/2008 du 8 juillet 2008 consid. 3.2; CDAP AC.2013.0436 du 25 août 2014 consid. 4a).

En outre, seule une prolongation d’une année du délai de validité du permis de construire est possible en application de l’art. 118 al. 2 LATC; une fois cette unique prolongation échue, le constructeur doit présenter une nouvelle demande (CDAP AC.2015.0259 précité, consid. 4b et les références; AC.2013.0335 du 15 août 2013 consid. 3).

Partant, si le permis de constuire a été mis en œuvre par le commencement concret de travaux au jour de la péremption dudit permis de constuire, ce dernier n’est pas périmé.

Lorsque des modifications faisant l’objet d’une enquête complémentaire étaient de nature à compromettre le commencement des travaux du bâtiment principal, la délivrance du permis de construire complémentaire interrompait le délai de péremption et faisait courir un nouveau délai dès sa date (cf. CDAP AC.2014.0066 du 30 juin 2014 consid. 3a, qui se réfère aux arrêts AC.1992.0391 du 12 juillet 1993 et AC.2007.0191 du 3 juillet 2008; cf. ég. AC.2012.0263 du 13 mars 2013 consid. 1a).

La jurisprudence a aussi envisagé, sans trancher, que la mise à l’enquête complémentaire elle-même, voire déjà le dépôt de la requête formée en ce sens, était susceptible de suspendre le délai de péremption (AC.2007.0191 consid. 1, précité).

Le délai de péremption ne court pas pendant la période où une procédure empêche le constructeur d’en faire usage, par exemple lorsque l’effet suspensif a été accordé au recours (AC.1996.0099 du 14 octobre 1997, publié in RDAF 1998 I 211; voir aussi les arrêts AC.1999.0024 du 14 octobre 1999 et AC.2008.0028 du 3 juillet 2008 consid. 4 [résumé in RDAF 2009 I p. 1 ss, Benoît Bovay et Denis Sulliger, Jurisprudence rendue en 2008 par la CDAP, n. 104 p. 80]).

Il ressort en particulier de l’arrêt AC.2008.0028 du 3 juillet 2008 consid. 4 les principes suivants : « La durée de validité du permis ne court pas lorsque le constructeur se trouve dans ‘l’impossibilité juridique’ de faire usage de son permis de construire, notamment pendant la période où l’effet suspensif est accordé. Cette durée ne court pas davantage lorsque le constructeur est dans ‘l’impossibilité matérielle’ de faire usage de son permis, soit lorsqu’il se trouve exposé à un risque insupportable d’invalidation du permis, notamment :

  • pendant le délai de recours à la CDAP de [trente] jours quand des oppositions ont été formulées pendant la procédure d’enquête et a fortiori entre le dépôt du recours et la décision sur effet suspensif;
  • puis pendant le délai de recours au Tribunal fédéral de trente jours lorsqu’il a de bonnes raisons de penser que les opposants sont suffisamment déterminés pour former un tel recours« 
Travaux commencés

Le moment déterminant pour appréciser la question de savoir si les travaux ont ou non commencé (élément objectif comme subjectif) est le jour de péremption du permis de construire.

S’agissant de la notion de commencement de la construction au sens de l’art. 118 al 1 LATC, la jurisprudence a connu une certaine évolution.

Elle a d’abord considéré que, pour déterminer si une construction était commencée, il convenait de mettre en regard les travaux déjà exécutés et l’ouvrage projeté, compte tenu de l’importance de celui-ci, et se reporter à la date de péremption du permis (RDAF 1974 p. 450).

Elle a précisé par la suite qu’à la constatation objective du début des travaux s’ajoutait un élément subjectif lié à la volonté sérieuse du destinataire du permis de poursuivre l’exécution de celui-ci (RDAF 1990 p. 258).

Le Tribunal fédéral a constaté dans ce cadre que la prise en compte d’un élément subjectif dans l’examen des conditions de l’art. 118 al. 1 LATC constituait un assouplissement des exigences posées par la loi, si bien que l’autorité pouvait se montrer sévère quant à la preuve de cette intention (TF 1C_150/2008 précité, consid. 3.3; 1P.142/1993 précité, consid. 3b).

  • Dans un arrêt du 8 février 1993 (AC.1992.0058/1992.0210 consid. 3, in RDAF 1993 p. 478), confirmé par le TF (arrêt 1P.142/1993 du 8 juin 1993), le Tribunal administratif (TA) a dès lors nuancé les principes d’application de l’art. 118 LATC en autorisant le détenteur du permis à démontrer sa volonté sérieuse de construire par d’autres moyens que le seul degré d’avancement des travaux à la date de péremption du permis; il a considéré qu’une fois dépassé le stade de certaines opérations préliminaires (établissement des plans de détail et du programme des travaux, signature des premiers contrats d’adjudication en vue des travaux de gros œuvre, ouverture d’un crédit de construction, notamment), le risque que le constructeur n’utilise pas son permis était faible – compte tenu des conséquences financières d’une renonciation.
  • Enfin, dans un arrêt AC.1996.0162 du 15 octobre 1997 (consid. 2c), le TA a considéré que l’élément subjectif pouvait se substituer à l’élément objectif d’un commencement de travaux pour autant que cette volonté sérieuse soit démontrée par le détenteur du permis, pièces à l’appui, dans des faits concrets suffisants; il a ainsi admis qu’un constructeur avait apporté la preuve de son intention de poursuivre les travaux par un certain nombre d’opérations autres que les travaux proprement dits (plans d’exécution de l’architecte, prestations importantes des ingénieurs géotechnicien et civil, adjudication des travaux spéciaux et de terrassement, octroi d’un crédit de construction initial de 1’800’000 fr. par l’établissement bancaire), de sorte que le permis de construire n’était pas périmé.
  • Dans un arrêt AC.2001.0126 du 12 décembre 2001 (consid. 2b), le TA a retenu comme élément subjectif démontrant à satisfaction la volonté du constructeur de poursuivre l’exécution du permis de construire litigieux la production de différents documents tels que programme des travaux, contrat d’entreprise, procès-verbal d’une séance de coordination, attestation relative à une couverture d’assurance responsabilité civile ou encore nouveau constat des lieux par un bureau d’ingénieur.
  • La CDAP a pour sa part jugé, en particulier, qu’en l’absence de commencement effectif des travaux, la preuve de l’intention de les commencer n’était pas établie dans un cas où malgré l’annonce de l’ouverture du chantier, aucune entreprise n’avait été désignée pour les exécuter; ni le piquetage pour terrassement effectué trois jours avant l’échéance, ni les paiements effectués à la date de celle-ci (publicité pour la vente des appartements et entretien de la parcelle) ne permettaient d’apporter la preuve que les constructeurs avaient la volonté sérieuse de commencer sans tarder l’exécution des travaux – faute pour les intéressés d’avoir produit, entre autres « documents importants », les contrats d’adjudication du gros œuvre dûment signés (et non de simples devis) et l’attestation bancaire du crédit de construction (AC.2007.0172 du 4 mars 2008 consid. 3b, confirmé par TF 1C_150/2008 du 8 juillet 2008; concernant cette évolution de la jurisprudence, cf. ég. en dernier lieu AC.2013.0436 du 25 août 2014 consid. 3b).

En revanche :

  • La CDAP a jugé dans un arrêt AC.2008.0046 du 18 mai 2011 que la démolition d’un ancien hangar, l’abattage d’arbres ou encore les sondages effectués – opérations qui apparaissent également comme autant de préalables au commencement de la construction proprement dite – ne constituaient pas encore un début des travaux; cf. ég. AC.2007.0172 précité, en lien avec le caractère insuffisant dans ce cadre d’un piquetage pour terrassement avec annonce du début du chantier.
Modifications soumises à enquête complémentaire – art. 72b RLATC

Dans un arrêt AC.2014.0323, rendu le 31 mars 2015, le tribunal a jugé que le délai de 4 ans prévu par l’art. 72b al. 1 RLATC était un délai d’ordre qui n’empêchait pas l’utilisation de l’institution de l’enquête complémentaire lorsque les autres conditions matérielles permettant l’ouverture d’une telle procédure sont remplies. Il a considéré qu’une telle interprétation se justifie spécialement lorsque des difficultés particulières liées à la réalisation de fondations spéciales et de travaux de démolition difficiles dans un contexte de centre historique ont retardé l’avancement normal des travaux. Le tribunal a jugé qu’il serait disproportionné dans une telle configuration d’exiger une nouvelle enquête publique sur l’entier du projet qui permettrait de remettre en cause tous les éléments acquis lors de l’enquête principale. Dans cette affaire, l’exigence d’une nouvelle enquête sur la globalité du projet, alors que les travaux étaient en cours, revenait à considérer que le permis de construire initial était périmé et empêcherait le constructeur à apporter les adaptations et les modifications utiles au projet autorisé, quand bien-même les conditions pour autoriser ces modifications étaient remplies. L’exigence était considérée comme contraire au principe de la sécurité du droit en permettant de remettre en question les dispositions d’un permis de construire définitif, en force et en cours d’exécution et serait également contraire aux principes applicables à la révocation des actes administratifs en dehors des cas où la péremption d’un permis de construire pourrait être constaté de manière conforme à l’art. 118 LATC. C’est la raison pour laquelle le tribunal est arrivé à la conclusion que le délai de 4 ans fixé par l’art. 72b al. 1 RLATC, qui n’était d’ailleurs pas imposé par la loi elle-même, mais uniquement par une disposition réglementaire d’exécution, était un délai d’ordre dont le dépassement n’empêchait pas d’apporter des modifications de peu d’importance à un projet de construction en cours de réalisation dans le cadre de la procédure d’enquête complémentaire prévu par l’art. 72b RLATC (voir arrêt AC.2014.0323 du 31 mars 2015, consid. 3b).

Modifications de nature à compromettre le commencement des travaux initiaux

La question de savoir dans quelle mesure une enquête complémentaire, voire une simple autorisation municipale portant sur des modifications du projet initial, peut être de nature à faire partir un nouveau délai de péremption a été examinée à plusieurs reprises par la Commission cantonale de recours, puis par le Tribunal administratif et la CDAP. La jurisprudence distingue l’hypothèse dans laquelle les modifications sont de peu d’importance et peuvent être autorisées directement par la municipalité de celle où les modifications sont à ce point importantes qu’elles nécessitent la mise en œuvre d’une enquête publique complémentaire, voire d’une nouvelle enquête publique, se substituant à la première.

  • Dans la première hypothèse, lorsque seules sont en cause des modifications mineures, l’autorisation municipale ne saurait remettre en cause le délai de péremption courant dès l’octroi du permis de construire ; en effet, l’attente d’une décision municipale tardivement requise relative à un ouvrage secondaire n’est pas de nature à différer les travaux relatifs au bâtiment principal.
  • En revanche, lorsque la demande concerne des travaux qui impliquent une renonciation totale au permis de construire initial, en sorte que la situation est assimilable à la présentation d’un nouveau projet, l’autorisation fait partir un nouveau délai de péremption. La situation est claire lorsque les modifications requises nécessitent une nouvelle enquête publique se substituant à la première. Elle l’est moins lorsque les éléments nouveaux ou à changer ne sont pas de nature à modifier sensiblement le projet ou la construction en cours et peuvent faire l’objet d’une enquête publique complémentaire; selon les cas, il n’est en effet pas exclu que malgré le fait que ces modifications soient de peu d’importance, elles puissent remettre en cause le commencement des travaux du bâtiment principal; lorsque ces conditions sont remplies, on devrait en conséquence également admettre que le permis de construire accordé à la suite d’une telle enquête fait partir un nouveau délai de péremption (cf. AC.1992.0391 du 12 juillet 1993 et les références).

Dans un arrêt du 13 mars 2013 (AC.2012.0263), le Tribunal de céans s’est prononcé sur un projet qui avait fait l’objet d’un permis de construire délivré en 2010, autorisant la construction d’un immeuble à usage mixte (logements et hôtel), puis d’un second permis complémentaire délivré en 2012, autorisant la modification de l’affectation des locaux de l’immeuble à construire. Les travaux autorisés selon le permis de construire délivré en 2010 n’avaient pas débuté. La cour a constaté que les deux projets mis à l’enquête publique portaient sur une construction identique, le second projet comportant uniquement des modifications quant à la répartition intérieure des locaux et leur affectation, ainsi que quelques adjonctions, telles que terrasses en toiture. Les plans relatifs à la seconde demande émanaient des mêmes architectes. Il a été considéré que dans la mesure où l’affectation de certains locaux était précisée, voire modifiée, de même que leur dimension et leur répartition interne, la mise à l’enquête de ces modifications ne prêtait pas le flanc à la critique, sans qu’elles ne doivent être considérées comme un projet nouveau, l’immeuble prévu demeurant dans le même gabarit pour l’essentiel. La teneur des permis de construire aboutit également à considérer que le second permis était complémentaire au premier. En effet, un permis portant sur l’affectation définitive de locaux présuppose un permis antérieur autorisant la construction du bâtiment concerné. Ainsi, au vu de la nature des travaux autorisés dans le second permis de construire, il a été retenu que ce permis complémentaire au premier interrompait le délai de péremption courant depuis la délivrance du premier permis et avait fait partir un nouveau délai de péremption au sens de l’art. 118 al. 1 LATC. Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral (1C_384/2013 du 16 janvier 2014).

En d’autres termes, la jurisprudence retient que lorsque les modifications envisagées au projet principal font l’objet d’une enquête complémentaire et qu’elles sont de nature à compromettre le commencement des travaux du bâtiment principal, a fortiori lorsqu’elles le compromettent à l’évidence, la délivrance du permis de construire complémentaire fait partir dès sa date un nouveau délai de péremption au sens de l’art. 118 LATC, partant interrompt le délai de péremption courant jusque-là (AC.2018.0351 du 12 mars 2019 ; AC.2012.0263 et 1C_384/2013 précités; AC.2007.0191 du 3 juillet 2008, consid. 1; AC.1992.0391 du 12 juillet 1993).