1 Les communes ou le département peuvent établir des zones réservées selon l’article 27 LAT. Ces zones interdisent ou limitent la constructibilité de terrains pendant une période maximale de cinq ans, pouvant être prolongée de trois ans au maximum.
2 La procédure d’approbation est celle des plans d’affectation.
Dernière mise à jour : 22 décembre 2021
Laurent Pfeiffer
Docteur en droit
Avocat au Barreau
Spécialiste FSA en Droit de la construction et de l’immobilier
But
L’établissement d’une zone réservée répond à un intérêt public lorsqu’il y a lieu de modifier un plan d’aménagement, que celui-ci soit ou non conforme au droit (ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT : Planifier l’affectation, 2016, n° 31 ad art. 27). Il s’agit en particulier de garantir aux autorités chargées de l’aménagement du territoire la liberté de planifier et de décider, et d’éviter que des projets de construction viennent entraver cette liberté. Il faut ainsi une nécessité de planifier, assortie d’une intention concrète. Il n’est toutefois pas nécessaire que l’autorité ait déjà une idée précise de la manière dont elle entend redéfinir la zone à bâtir, en particulier lorsque cela ne découle pas d’une simple intention de sa part mais d’une obligation résultant directement de la LAT ou du plan directeur cantonal (ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT: Planifier l’affectation, 2016, n° 32 ad art. 27). Tel est le cas de l’obligation de réduire les zones à bâtir surdimensionnées prévue à l’art. 15 al. 2 LAT (arrêt 1C_94/2020 du 10 décembre 2020 consid. 3.1). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3a/bb)
Base légale
L’art. 46 LATC constitue à lui seul une base légale suffisante pour autoriser le département à établir une zone réservée cantonale sur une parcelle lorsqu’une commune refuse ou tarde à le faire alors qu’elle y est tenue pour ne pas compromettre la révision de sa planification (AC.2017.0364 précité consid. 4). La zone réservée litigieuse répond à un intérêt public primordial, à savoir maintenir la liberté de planification et de décision des autorités communales, ainsi qu’éviter le risque de faire obstruction et rendre plus difficile une future réduction de la zone à bâtir (AC.2017.0457 précité). Il existe ainsi un rapport raisonnable entre le sacrifice financier demandé aux recourants et l’intérêt public en jeu. (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 4a)
L’art. 75 al. 1 Cst. prévoit que la Confédération fixe les principes applicables à l’aménagement du territoire. Celui-ci incombe aux cantons et sert une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire. L’art. 1er al. 1 LAT précise que la Confédération, les cantons et les communes veillent à assurer une utilisation mesurée du sol et à la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire et à réaliser une occupation du territoire propre à garantir un développement harmonieux de l’ensemble du pays. L’art. 1er al. 2 LAT définit les buts de l’aménagement du territoire. Cette disposition, dans sa nouvelle teneur entrée en vigueur le 1er mai 2014, prescrit que les autorités chargées de l’aménagement du territoire soutiennent les efforts entrepris aux fins, notamment, de protéger les bases naturelles de la vie, telles que le sol, l’air, l’eau, la forêt et le paysage (let. a), d’orienter le développement de l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti, en maintenant une qualité de l’habitat appropriée (let. abis) et de créer un milieu bâti compact (let. b). L’art. 3 LAT expose les principes d’aménagement, parmi lesquels il convient notamment de préserver le paysage (art. 3 al. 2) et d’aménager les territoires réservés à l’habitat et à l’exercice d’activités économiques selon les besoins de la population tout en limitant leur étendue (art. 3 al. 3 LAT) ceci impliquant notamment de prendre les mesures propres à assurer une meilleure utilisation dans les zones à bâtir des friches, des surfaces sous-utilisées ou des possibilités de densification des surfaces de l’habitat (art. 3 al. 3 let. abis LAT).
Avec ces modifications, le législateur fédéral a voulu se concentrer sur les problèmes les plus aigus de l’aménagement du territoire, à savoir la dispersion des constructions et la perte de terres cultivables. Le nouvel art. 15 LAT précise les conditions permettant de classer des nouveaux terrains en zone à bâtir, conditions qui résultaient déjà de la jurisprudence fédérale (ATF 141 II 393 consid. 2; TF 1C_113/2014 du 3 septembre 2014 consid. 3.1; Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la loi sur l’aménagement du territoire publié in FF 2010 959, ch. 1.1 p. 963). Ainsi, le nouvel art. 15 LAT a essentiellement codifié la jurisprudence et la pratique, mais la modification de la LAT apporte certaines innovations telles que l’exigence de plans directeurs contenant les stratégies de répartition des zones à bâtir et le calcul supposé plus précis des surfaces en fonction des besoins (ATF 145 II 18 consid. 3.1 ; 141 II 393 consid. 2; Alexandre Flückiger, La création et le dimensionnement des zones à bâtir: enjeux et méthodes, Révision 2014 de la LAT – Faire du neuf avec du vieux?, 2015, p. 81). Les nouvelles règles de la LAT relatives au redimensionnement des zones à bâtir ont permis de mettre en évidence d’importants décalages entre les exigences légales prévalant déjà sous l’ancien droit et les dimensions effectives des zones à bâtir (TF 1C_568/2014 et 1C_576/2014 du 13 janvier 2016 consid. 7.2; Message, FF 2010 959, ch. 1.1 p. 963, ch. 2.3.4 p. 980, ch. 2.6 p. 987 et ch. 3.2 p. 988). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3b/aa)
L’art. 8a LAT dispose que dans le domaine de l’urbanisation, le plan directeur cantonal doit définir notamment la dimension totale des surfaces affectées à l’urbanisation (let. a), la manière de concentrer le développement d’une urbanisation de qualité à l’intérieur du milieu bâti (let. c) et la manière d’assurer la conformité des zones à bâtir aux conditions de l’art. 15 LAT (let. d). Conformément à l’art. 9 LAT, le plan directeur a force obligatoire pour les autorités (ATF 143 II 476 consid. 3.7) (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 3c/aa)
Alinéa 1er
Une zone réservée communale ou cantonale
Une zone réservée adoptée en relation avec une révision du plan général d’affectation d’une commune destinée à mettre en œuvre l’obligation de l’art. 15 al. 2 LAT dans le cadre prévu par la mesure A11 du PDCn peut être une zone réservée communale (décidée par le conseil de la commune et approuvée par le département cantonal) ; cette mesure conservatoire peut alors viser certains secteurs de la zone à bâtir, voire l’ensemble des zones d’habitation et zones mixtes du territoire communal (cf. arrêt 1C_94/2020 du 10 décembre 2020). Une zone réservée cantonale, décidée par le département cantonal (sous la forme d’un plan d’affectation cantonal – cf. art. 46 al. 2 LATC en relation avec les art. 11 ss LATC), est également admissible, le cas échéant en complément à une zone réservée communale, ou lorsque la commune n’entend pas prendre elle-même une telle mesure conservatoire. Aussi une zone réservée cantonale peut-elle être instaurée sur des parcelles que la commune entend maintenir en zone à bâtir, la question de l’ampleur du redimensionnement requis devant être examinée ultérieurement dans la procédure de révision du plan général d’affectation (cf. arrêts AC.2020.019 précité; AC.2019.0386 du 14 octobre 2020 consid. 2d et les arrêts cités). Dans l’arrêt AC.2018.0361 du 15 avril 2019, le Tribunal cantonal a souligné que la mise en place d’une zone réservée cantonale ne restreignait pas la marge de manœuvre dont pouvait bénéficier la commune dans le cadre de la révision de son plan d’affectation. La commune gardait en effet la possibilité de maintenir la parcelle faisant l’objet de la zone réservée cantonale en zone à bâtir si elle redimensionnait correctement par ailleurs les zones constructibles, de manière à respecter les exigences de la LAT (notamment de l’art. 15 al. 2 LAT) et du PDCn. Il n’y avait dès lors pas lieu de retenir que l’instauration d’une zone réservée cantonale portait atteinte aux prérogatives communales en matière d’aménagement du territoire (arrêt précité consid. 3d). Dans un arrêt relativement récent (1C_267/2019 du 5 mai 2020), le Tribunal fédéral a par ailleurs confirmé une zone réservée cantonale portant sur deux parcelles alors que la commune avait clairement manifesté son intention de maintenir ces parcelles en zone à bâtir et qu’elle avait fait établir un projet de zone réservée communale ne les incluant pas. L’autorité cantonale compétente peut par conséquent établir une zone réservée, quand bien même on se trouve en présence d’une volonté du planificateur communal de maintenir le secteur visé en zone à bâtir. (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3b/cc)
Par ailleurs, et conformément à la jurisprudence susmentionnée, le fait d’avoir soutenu la défense de la zone réservée communale devant les autorités judiciaires ne fait pas obstacle à la mise en place ultérieure d’une zone réservée cantonale. Le fait que les parcelles des recourants soient exclues de la zone réservée communale n’apparaît au demeurant pas déterminants puisque la démarche de l’autorité intimée tend précisément à compléter la zone réservée communale jugée insuffisante au regard de l’importance du surdimensionnement de la zone constructible. Dès lors que la commune ne semble en l’état pas en mesure de garantir son correct dimensionnement, et dans l’attente d’un plan d’affectation révisé, il s’impose de ne pas aggraver le surdimensionnement en instituant une zone réservée cantonale. (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 4c)
Il n’y avait pas lieu de s’écarter du principe selon lequel le département peut instaurer une zone réservée sur les parcelles litigieuses, même lorsque la commune fait état de son intention de maintenir ces dernières en zone à bâtir dans le cadre du nouveau PGA (cf. arrêts CDAP AC.2019.0035, AC.2019.0040 consid. 3b et les réf. citées) (AC.2020.0037 du 30 juin 2021 consid. 4b)
En droit cantonal, les communes jouissent d’une autonomie maintes fois reconnue lorsqu’elles définissent, par des plans, l’affectation de leur territoire et lorsqu’elles appliquent le droit des constructions (art. 139 al. 1 let. d de la Constitution du Canton de Vaud du 14 avril 2003 [Cst./VD; BLV 101.01] et 4 al. 4 LATC ; cf. notamment ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 118 s.; arrêts TF 1C_424/2014 du 26 mai 2015 consid. 4.1.1 et les références citées, 1C_365/2010 du 18 janvier 2011 consid. 2), cela se justifie notamment par le fait que les autorités communales sont mieux à même d’appréhender les circonstances locales. Cela étant, comme la Cour de céans l’a déjà évoqué, l’art. 46 LATC constitue, à lui seul, une base légale suffisante pour autoriser le département à établir ne zone réservée cantonale sur une parcelle, lorsqu’une commune, comme c’est le cas en l’espèce, refuse de le faire, alors qu’elle y est tenue pour ne pas compromettre la révision du PGA (arrêt CDAP AC.2017.0364 du 25 septembre 2019 consid. 4b). De plus, en l’espèce, la décision attaquée ne restreint pas la marge de manœuvre dont peut bénéficier la commune dans le cadre de la révision de son plan d’affectation. La commune garde la possibilité de maintenir la parcelle 762 en zone à bâtir si elle redimensionne correctement par ailleurs les zones constructibles, de manière à respecter les exigences de la LAT (notamment de l’art. 15 al. 2 LAT) et du PDCn. Il n’y a dès lors pas lieu de retenir que l’instauration d’une zone réservée cantonale porte atteinte aux prérogatives communales en matière d’aménagement du territoire (voir à ce sujet l’arrêt CDAP AC.2018.0361 du 15 avril 2019 consid. 3d). (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 4b)
Conditions matérielles
Selon la jurisprudence (cf. notamment arrêts CDAP AC.2019.0035, AC.2019.0040 du 9 décembre 2019 consid. 2a/bb; AC.2017.0364, AC.2017.0368 du 25 septembre 2019 consid. 2a/bb; AC.2018.0221 du 28 juin 2019 consid. 2a/bb; AC.2017.0457 du 7 janvier 2019 consid. 1a/bb; AC.2018.001 du 23 novembre 2018 consid. 1b), l’instauration d’une zone réservée suppose réunies trois conditions matérielles, soit une intention de modifier la planification, une délimitation exacte des territoires concernés et le respect du principe de la proportionnalité: la délimitation des zones concernées ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire au maintien d’une situation en vue de la nouvelle planification (ATF 138 I 131 consid. 6.2; arrêt AC.2020.0109 du 1er avril 2021 et les références citées). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3a/bb)
Une intention de modifier la planification
Il faut que la parcelle sujette à la zone réservée apparaisse d’emblée comme ne pouvant pas être concernée par le remaniement de la zone à bâtir (arrêt 1C_267/2019 du 5 mai 2020). La question à laquelle le Tribunal doit répondre à ce stade est ainsi celle de savoir si la possibilité d’un déclassement de la parcelle en cause peut raisonnablement être prise en considération dans le cadre de la future révision du PGA. Si tel est le cas, la zone réservée doit être confirmée (cf. arrêts AC.2019.0035 et AC.2017.0457 précités). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3c/aa)
On ne saurait reprocher à l’autorité intimée d’avoir considéré que la possibilité d’un déclassement pouvait raisonnablement être prise en considération dans le cadre de la future révision du PGA, hypothèse dans laquelle la jurisprudence considère qu’il y a lieu de confirmer la zone réservée (cf. arrêt CDAP 2019.0384, AC.2019.0385 du 2 décembre 2020 consid. 3 et les réf. citées). En effet, dans un contexte de surdimensionnement important, une telle parcelle constitue une frange de la zone à bâtir à traiter en priorité, en principe à dézoner en zone agricole, selon les principes de redimensionnement de la zone à bâtir d’habitation et mixte établis par le DIT dans sa fiche d’application du mois de décembre 2019. (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 5b)
Quant au fait que la parcelle soit équipée, cet élément n’est pas décisif selon la jurisprudence, puisque même des parcelles équipées ou comportant déjà des constructions peuvent – ou au besoin doivent être attribuées à une zone de non bâtir. De même des parcelles sans vocation agricole peuvent – ou au besoin doivent – être attribuées à une zone de non bâtir (cf. arrêt CDAP 2018.0361 du 15 avril 2019 consid. 4 et les réf. citées). (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 5b)
Le respect du principe de la proportionnalité
Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une autre mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la réf. citée). (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 5/a)
En général, une zone réservée satisfait à l’exigence d’aptitude découlant du principe de la proportionnalité puisqu’il s’agit de réserver la liberté de planification de l’autorité compétente. La règle de la nécessité est également respectée lorsque la zone réservée correspond au périmètre concerné par l’obligation de planifier. C’est en fonction de ces critères que la pesée des intérêts doit être effectuée (cf. arrêts TF 1C_94/2020 du 10 décembre 2020 consid. 3.1; 1C_518/2019 du 8 juillet 2020 consid. 5.1; 1C_267/2019 du 5 mai 2020 consid. 5.1 et les références citées). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3a/bb)
Le tribunal ne voit pas que les objectifs visés par l’instauration de la zone réservée puissent être atteints par une mesure moins incisive, au risque de voir finalement se construire une parcelle dont le déclassement peut raisonnablement être pris en considération dans le cadre de la révision du PGA de la commune. En effet, une zone réservée destinée à bloquer provisoirement de nouvelles constructions dans une commune surdimensionnée répond à un intérêt public primordial, à savoir maintenir la liberté de planification et de décision des autorités communales, ainsi que juguler le risque que les propriétaires se pressent d’utiliser les possibilités offertes par la planification en vigueur et fassent ainsi obstruction à une future réduction de la zone à bâtir, en disséminant les constructions sur un large secteur (cf. arrêt CDAP AC.2017.0078 du 28 février 2018 consid. 4 d et la réf. citée). Il existe ainsi un rapport raisonnable entre le sacrifice financier demandé au propriétaire et aux constructeurs qui voient leurs projets de construction bloqués et l’intérêt public en jeu. Partant, les griefs relatifs à la violation du principe de la proportionnalité doivent être rejetés. (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 5b)
Une délimitation exacte des territoires
En raison de l’importance de la restriction de la propriété que peut représenter l’instauration d’une zone réservée, le principe de la proportionnalité (cf. art. 36 al. 3 Cst.) exige que cette mesure provisionnelle ne soit prescrite que pour des périmètres délimités précisément, dans lesquels une adaptation du plan d’affectation se justifie ; d’un point de vue spatial, elle ne doit pas aller au-delà du « territoire exactement délimité » pour lequel elle est nécessaire (cf. ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT: Planifier l’affectation, 2016, n° 47 ad art. 27; BERNHARD WALDMANN / PETER HÄNNI, HANDKOMMENTAR RPG, Berne 2006, n° 21 ad art. 27). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3a/bb)
Dans le canton de Vaud, la question de l’adaptation des zones à bâtir aux besoins prévisibles (sur cette notion: arrêt TF 1C_528/2016 du 20 décembre 2017 consid. 4) pour les quinze années suivantes a été traitée en particulier par la mesure A11 du Plan directeur cantonal (PDCn). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3b/bb)
Entré en vigueur le 1er août 2008, l’actuel PDCn a fait l’objet de plusieurs adaptations. Une première adaptation est entrée en vigueur le 1er décembre 2011, une deuxième le 15 juin 2012, une deuxième bis le 15 juin 2013, une troisième le 1er janvier 2016 et une quatrième le 31 janvier 2018. La quatrième adaptation a été adoptée par le Grand Conseil les 20 et 21 juin 2017 pour être approuvée par le Conseil fédéral le 31 janvier 2018. Cette 4ème adaptation du PDCn pose des principes directement applicables à la délimitation des zones à bâtir, notamment à la réduction de zones à bâtir surdimensionnées, qui doivent être appliqués aux procédures pendantes devant le Tribunal cantonal dès son entrée en vigueur. Il en va de même des nouvelles dispositions de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire concernant la délimitation des zones à bâtir (ATF 141 II 393 consid. 2.4 et 3; arrêts CDAP AC.2017.0364, AC.2017.0368 précité́ consid. 2b/bb2a/bb; AC.2017.0104 du 15 janvier 2019 consid. 3b et AC.2016.0354 20 décembre 2018 consid. 1c). (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 3c/bb)
Quelle que soit sa version, le PDCn a constaté en substance que la capacité d’accueil d’habitants et d’emplois des zones à bâtir actuellement légalisées dans le canton est bien plus importante que ce qui est nécessaire pour les besoins prévisibles à quinze ans, horizon temporel déterminé par l’art. 15 LAT. Il a ainsi enjoint les communes à définir leurs besoins, à savoir la croissance démographique programmée à quinze ans, puis à évaluer leur capacité existante de développement résidentiel (capacité d’accueil, réserves) et enfin à faire le bilan en vérifiant que leur capacité de développement est à la mesure de leurs besoins, sinon à adapter leur zone à bâtir (mesure A11). Dans sa version actuelle, le PDCn retient que le réseau des centres vaudois, qui garantit la cohésion du canton, est menacé par l’étalement urbain, à savoir la dispersion de la population et de l’habitat hors des centres, en périphérie et en campagne. Pour y remédier, il préconise en priorité le développement à l’intérieur du territoire urbanisé, la valorisation du potentiel inutilisé et la recherche d’une densification adaptée au contexte (PDCn4, ligne d’action A1; voir aussi mesure A11). Pour assurer la mise en œuvre de la mesure A11, les communes surdimensionnées ne peuvent délivrer de permis de construire tant qu’elles n’ont pas redimensionné leurs zones à bâtir si de tels permis sont susceptibles d’entraver la mise en conformité des planifications ou que les terrains répondent aux qualités des surfaces d’assolement. (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3b/bb)
La 4ème adaptation du PDCn a modifié l’année de référence en la repoussant de 2008 à 2015, étendu l’horizon de planification à 2036 et fixé le taux de croissance à 0,75% pour les villages et quartiers hors centre, à l’instar de la commune de Sullens (mesure A11 du PDCn). Le développement maximal d’une commune hors centre se calcule désormais en multipliant la croissance annuelle admise (0,75%) par le nombre d’années qui séparent la date de référence de l’horizon de planification (21 ans). Il correspond ainsi à une croissance totale de 15,75% (0,75% x 21 ans). Les communes qui doivent redimensionner leurs zones à bâtir doivent réviser leurs plans d’affectation et soumettre leur projet à l’approbation du canton au plus tard cinq ans après l’adoption du PDCn par le Grand Conseil (à savoir en juin 2022). Selon la mesure A11 du PDCn4, cette révision prend au moins en compte les aspects suivants: la qualité de la desserte en transports publics; l’accès en mobilité douce aux services et équipements; la qualité des sols et les ressources, dont les surfaces d’assolement; l’environnement, notamment la nature, le paysage, et la maîtrise d’éventuels risques et nuisances; la capacité des équipements et des infrastructures; la possibilité d’équiper à un coût proportionné; ainsi que la disponibilité des terrains. Pour répondre aux besoins à 15 ans, les communes, dans l’ordre, réaffectent les terrains excédant les besoins ou peu adéquats au développement ; densifient le territoire urbanisé et mettent en valeur les réserves et les friches notamment par la densification. La fiche d’application du SDT de décembre 2019 intitulée « Traitement des zones à bâtir d’habitation et mixtes » prévoit pour sa part que les franges de la zone à bâtir en zone agricole doivent être dézonées, ces franges étant identifiées lors de la délimitation du territoire urbanisé et des noyaux largement bâtis de la commune. Cette fiche prévoit également qu’il faut affecter en zone agricole ou en zone de verdure les espaces vides de plus de 2’500 m2situés au milieu du bâti dès lors que ces espaces représentent une surface suffisamment grande pour être sujette à un morcellement agricole (fiche d’application, ch. 2). (AC.2020.0337 du 30 juin 2021 consid. 3c/bb)
Limitation temporelle
L’art. 27 al. 2 LAT prévoit qu’une zone réservée ne peut être prévue que pour cinq ans au plus, le droit cantonal pouvant prolonger ce délai. Le Canton de Vaud a fait usage de cette dernière possibilité, l’art. 46 al. 1 LATC prévoyant une durée maximale de cinq ans, prolongeable de trois ans au maximum (AC.2020.0244 du 30 juin 2021 consid6/b).
Du point de vue temporel, la limitation à cinq ans de la durée de la zone réservée lie les cantons, qui ne peuvent prévoir par une règle générale une autre durée initiale (ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT : Planifier l’affectation, 2016, n° 55 ad art. 27). Les cantons peuvent permettre une prolongation de la durée, ce qu’a fait le droit vaudois (cf. art. 46 al. 1 LATC). Il faut que la nécessite d’une prolongation soit démontrée dans chaque cas concret, et il ne serait pas admissible de fixer d’emblée à plus de cinq ans la durée d’une zone réservée, en faisant préventivement usage de la possibilité de prolonger. Au demeurant, il doit être mis fin à la zone réservée même avant l’échéance des cinq ans de l’art. 27 al. 2 LAT, si la mesure provisionnelle n’est plus nécessaire (cf. ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT : Planifier l’affectation, 2016, n° 57 ad art. 27; WALDMANN/HÄNNI, op. cit., n° 22 ad art. 27). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3a/bb)
Dies a quo
Cela étant, la question du dies a quo du délai de cinq ans prévu par les arl.27 LAT et 46 LATC mérite une précision, compte tenu des différents délais procéduraux qui peuvent intervenir entre le moment de l’ouverture d’une procédure d’élaboration d’une telle zone et de son entrée en vigueur (…) A la lumière des art. 26 al. 3 LAT et 42 et 43 LATC, une zone réservée destinée à empêcher toute construction dans son périmètre acquiert force obligatoire dès son approbation par l’autorité cantonale compétente. Elle déploie ses effets dès ce moment-là, étant rappelé que ses effets consistent à bloquer toute construction. Le délai de cinq ans de l’art. 46 LATC commence donc à courir dès l’approbation cantonale d’une zone réservée. Ce délai ne saurait être suspendu par un éventuel recours si l’on considère que, de toute façon, une interdiction de construire sera opposable à un éventuel recourant par l’application de l’art. 49 LATC. Il convient ainsi de constater que le dies a quo du délai de cinq ans de l’art. 46 LATC débute dès l’approbation de la zone réservée par l’autorité cantonale compétente, nonobstant un éventuel recours déposé à son encontre. (AC.2020.0295 du 14 décembre 2021 consid. 5b/cc)
Égalité de traitement
Une décision ou une norme viole le principe de l’égalité de traitement lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer, ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et que ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 141 I 153 consid. 5.1; 140 I 77 consid. 5.1; 137 I 167 consid. 3.4; 136 II 120 consid. 3.3.2). Ce principe n’a qu’une portée réduite dans l’élaboration des plans d’affectation. Il est en effet dans la nature même de l’aménagement local que la délimitation des zones crée des inégalités et que des terrains de mêmes situation et nature puissent être traités différemment en ce qui concerne tant leur attribution à une zone déterminée que leur possibilité d’utilisation. Du point de vue constitutionnel, il suffit que la planification soit objectivement soutenable, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas arbitraire (ATF 142 I 162 consid. 3.7.2; 121 I 245 consid. 6e/bb p. 249 ; TF 1C_352/2014 du 10 octobre 2014 consid. 4.1; TF 1C_76/2011 consid. 4.1; AC.2018.0176 précité consid. 3c ; AC.2017.0078 précité consid. 4b). Les recourants ne peuvent se prévaloir de la situation d’autres parcelles voisines qui ont obtenu une autorisation de construire, le principe de l’égalité de traitement n’ayant qu’une portée réduite en matière de planification. En effet, comme on l’a vu, la zone réservée litigieuse respecte les conditions des art. 27 LAT et 46 LATC. Peu importe dès lors ce qu’il en est de la situation des parcelles nos 338 et 339. Les autorités cantonales ont estimé que la commune avait agi dans le large cadre de son pouvoir d’appréciation et cela ne peut leur être reproché. La zone réservée cantonale doit ainsi être confirmée même si d’autres parcelles proches ont bénéficié d’une autorisation de construire.(AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 5b)
Alinéa 2
La LAT impose au droit cantonal certaines exigences en matière de protection juridique (arrêt CDAP AC.2019.0212 du 17 février 2021 consid. 3c). Une autorité cantonale de recours au moins doit disposer d’un libre pouvoir d’examen (art. 33 al. 3 let. b LAT). Il n’est pas indispensable que l’autorité dont parle l’art. 33 al. 3 let. b LAT soit une autorité judiciaire; il peut s’agir d’un département de l’administration ou du gouvernement cantonal, statuant sur opposition (ATF 131 II 81 consid. 6.6 p. 96, 127 II 238 consid. 3b/bb p. 242/243), pour autant que cette autorité soit indépendante de celle qui adopte le plan (ATF 127 II 238 consid. 3b/aa, bb p. 242/243). Le libre pouvoir d’examen dont parle l’art. 33 al. 3 let. b LAT ne se réduit pas à la constatation des faits et de l’application du droit; il comprend aussi le contrôle de l’opportunité du plan, qui permet à l’autorité d’opter pour une autre solution équivalente qu’elle juge préférable, et cela quand bien même la solution qui lui est soumise est conforme au droit (ATF 131 II 81 consid. 6.6 p. 96/97, 127 II 238 consid. 3b/aa p. 242; arrêt TF 1C_417/2009 du 21 janvier 2010 consid. 2.3). Cela ne signifie pas pour autant que l’autorité cantonale investie du contrôle de l’opportunité agisse comme autorité supérieure de planification ou de surveillance (ATF 131 II 81 consid. 6.6 p. 97). Elle vérifie que l’autorité qui a adopté le plan n’a pas abusé ou mésusé de son pouvoir d’appréciation. Elle s’impose une certaine retenue, s’agissant des circonstances locales ou des questions de pure appréciation (cf. art. 2 al. 3 LAT; ATF 131 II 81 consid. 6.6 p. 97). Une mesure de planification doit être maintenue lorsqu’elle se révèle appropriée à la situation de fait; l’autorité de recours n’est pas habilitée à lui substituer une autre solution, même tout aussi appropriée (ATF 127 II 238 consid. 3b/aa p. 242). (AC.2021.0001 du 2 juillet 2021, consid. 3a/cc)