1 La municipalité peut refuser un permis de construire lorsqu’un projet de construction, bien que conforme, compromet une modification de plan envisagée, non encore soumise à l’enquête publique.
2 L’autorité en charge du plan est tenue de le mettre à l’enquête publique dans les 14 mois qui suivent la décision de refus du permis de construire, puis d’adopter son projet dans les 12 mois suivant la fin de l’enquête publique.
3 Lorsque ces délais n’ont pas été observés, le requérant peut renouveler sa demande de permis de construire. La municipalité doit alors statuer dans les 30 jours.
Dernière mise à jour : le 11 janvier 2022
Laurent Pfeiffer
Docteur en droit
Avocat au Barreau
Spécialiste FSA en Droit de la construction et de l’immobilier
Le 1er septembre 2018 est entrée en vigueur la novelle du 17 avril 2018 qui a modifié la partie « aménagement » de la LATC. Cette novelle a notamment abrogé les anciens art. 77 et 79 LATC (art. 77 et 79 aLATC) qui ont été remplacés par les art. 47 et 49 LATC.
Selon la jurisprudence relative à l’art. 77 al. 1 dernière phrase aLATC, une municipalité ne pouvait pas délivrer un permis de construire lorsque le département cantonal s’était opposé à un projet de construction au motif qu’il envisageait la mise à l’enquête d’une zone réservée. Dans cette hypothèse, la municipalité devait rendre une décision de refus du permis de construire (cf. AC.2017.0237 du 29 novembre 2018; AC.2016.0326 du 2 octobre 2017 consid. 1b; AC.2016.0270 du 5 septembre 2017 consid. 2c; AC.2017.0071 du 15 août 2017 consid. 3b/aa; AC.2017.0250 du 15 janvier 2018 consid. 2). Cette disposition a toutefois été remplacée, depuis le 1er septembre 2018, par l’art. 47 LATC, qui ne prévoit plus une telle exigence. (AC.2018.0440 du 28 janvier 2021 consid. 2.a)
Quoi qu’il en soit, la question de savoir si la municipalité a abusé de sa marge d’appréciation en renonçant à appliquer l’art. 47 LATC peut rester ouverte, puisque l’autorisation préalable d’implantation ne constitue pas un droit acquis, qui garantirait que le permis de construire soit délivré en dépit de changements de règlementation ou de planification intervenus entretemps (arrêt AC.2020.0031 du 28 octobre 2020 consid. 6b). Selon la jurisprudence en effet (cf. en particulier arrêt AC.2018.0273 du 20 février 2019 consid. 4d et les références), la municipalité conserve la possibilité de refuser le permis de construire en raison d’un changement de la planification, lequel constitue une modification importante de la situation de droit déterminante. (AC.2019.0262 du 19 février 2021 consid. 4.c)
La municipalité qui applique cette disposition jouit d’une grande latitude de jugement et d’un pouvoir d’appréciation important. L’art. 47 LATC lui confère en effet une simple faculté. La municipalité n’est cependant pas libre d’agir comme bon lui semble. L’autorité ne peut ni renoncer à exercer son pouvoir d’appréciation ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l’égalité de traitement et l’interdiction de l’arbitraire. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité est également liée par des critères qui découlent du sens et du but de la réglementation applicable (CDAP AC.2018.0435 du 12 août 2019 consid. 2c et les références citées). (AC.2019.0358 du 17 mars 2021 consid. 2.a.bb)
Par ailleurs, l’autorité judiciaire peut, en traitant un recours contre le refus d’une autorisation de construire, vérifier si la municipalité s’est fondée sur des critères pertinents; en d’autres termes, même si la disposition de l’art. 77 aLATC (désormais art. 47 LATC) a parfois été qualifiée de « purement potestative », le contrôle judiciaire de son application doit être possible (cf. Raymond Didisheim, Le permis de construire face à l’adaptation des plans et règlements en droit vaudois de la construction, RDAF 2010 I 6). Le tribunal peut également contrôler, en cas d’octroi d’un permis de construire dans un secteur pour lequel un nouveau plan d’affectation est en voie d’élaboration, si le choix de la municipalité de ne reconnaître à ce projet aucun effet anticipé négatif résulte d’un exercice correct de son large pouvoir d’appréciation (CDAP AC.2017.0223/AC.2017.0224 du 27 juin 2018 consid. 2e et les références citées). (AC.2019.0358 du 17 mars 2021 consid. 2.a.bb)
L’art. 47 LATC vise ainsi la situation où le plan d’affectation envisagé (ou le plan d’une zone réservée) n’a pas encore été mis à l’enquête publique. La municipalité a alors la faculté de refuser le permis de construire lorsque le projet est contraire à ce plan envisagé (cf. art. 77 al. 1 aLATC). Cet effet anticipé négatif du projet de plan d’affectation est cependant limité dans le temps et l’autorité de planification doit concrétiser son projet dans un certain délai ; telle est la portée des alinéas 2 et 3 de l’art. 47 LATC (cf. CDAP AC.2019.0216 du 15 janvier 2020 consid. 2c). (AC.2020.0031 du 28 octobre 2020 consid. 6.a)
Faute de plan soumis à enquête publique, seul l’art. 47 LATC aurait pu entrer en ligne de compte. En délivrant le permis d’implantation litigieux, la municipalité semble toutefois avoir considéré que le projet de construction ne compromettait pas le futur plan d’affectation ou que les délais prescrits à l’al. 2 n’allaient pas pouvoir être respectés. (AC.2020.0031 du 28 octobre 2020 consid. 6.a)
L’inclusion du terrain concerné dans une zone réservée interdisant toute nouvelle construction doit ainsi également être prise en compte par la municipalité au moment de la décision sur la demande de permis de construire. Au demeurant, compte tenu de la durée de validité de deux ans de l’autorisation préalable d’implantation, il n’est pas envisageable qu’un tel permis préalable puisse bloquer les effets de toute modification de la planification pendant une aussi longue période. Il en va d’autant moins que le constructeur dispose encore d’un délai de deux ans dès la délivrance du permis de construire pour commencer les travaux (cf. art. 118 al. 1 LATC), voire d’une année supplémentaire (cf. art. 118 al. 2 LATC). (AC.2020.0031 du 28 octobre 2020 consid. 6.b)
Les art. 47 et 49 LATC sont admissibles non seulement dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’affectation ordinaire mais aussi avant l’adoption d’une zone réservée au sens de l’art. 46 LATC (CDAP AC.2020.0152 du 18 mars 2021 consid. 2; AC.2019.0044 du 17 septembre 2020 consid. 4a et les arrêts citées). Dans le système du droit vaudois, l’adoption d’une zone réservée est en effet soumise à la même procédure que l’adoption ou la modification d’une zone « ordinaire » du plan d’affectation (art. 46 al. 2 LATC) (CDAP AC.2020.0152 précité consid. 2; AC.2016.0339 du 17 mars 2017 consid. 2b et la référence citée). (AC.2020.0031 du 22 juin 2021 consid. 6.b)
La mesure provisionnelle « de type individuel » que représente un refus de permis de construire sur la base de l’art. 79 LATC (recte 47 LATC) est en quelque sorte combinée avec la mesure provisionnelle « de type général » qu’est la zone réservée et on évite ainsi le risque de compromettre la future planification (cf. arrêts AC.2020.0152 du 18 mars 2021 consid. 2; AC.2016.0339 du 17 mars 2017 consid. 2b; Manuel Bianchi, La révision du plan d’affectation communal, Lausanne 1990, p. 178 s.). (AC.2020.0253 du 12 mai 2021 consid. 2.a)
Avant l’adoption de la zone réservée – ou le cas échéant avant l’adoption d’une modification du plan général d’affectation déclassant certaines parcelles de zone à bâtir en zone non constructible –, une autre mesure conservatoire peut être appliquée par l’autorité compétente pour la délivrance de permis de construire. Il s’agit de l’effet anticipé négatif des projets de plan d’affectation, tel qu’il est réglé aux art. 47ss LATC. Cela permet aussi d’empêcher que la réalisation d’un projet conforme à une réglementation devenue inadaptée ne compromette la révision de cette dernière (cf. AC.2020.0089 du 8 septembre 2020 consid. 5 et les références). (AC.2020.0075 du 30 septembre 2020 consid. 4a)
La municipalité n’est cependant pas libre d’agir comme bon lui semble. L’autorité ne peut ni renoncer à exercer son pouvoir d’appréciation ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l’égalité de traitement et l’interdiction de l’arbitraire. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité est également liée par des critères qui découlent du sens et du but de la réglementation applicable (AC.2016.0305 du 3 août 2017 consid. 2c/aa et les références). Si les communes dont la zone à bâtir est surdimensionnée sont appelées à faire usage des mesures conservatoires afin d’éviter de péjorer la situation existante pendant le processus de révision du plan général d’affectation, cela ne signifie cependant pas qu’elles doivent refuser systématiquement toute demande de permis de construire (AC.2017.0223 du 27 juin 2018 consid. 2c; AC.2016.0305 du 3 août 2017 consid. 2c/cc). (AC.2020.0075 du 30 septembre 2020 consid. 4.b)
Si le processus d’examen du plan a débuté, les autorités communales ont exposé qu’il serait difficile de respecter le délai fixé par les autorités cantonales au mois de juin 2022. Le plan n’a donc pas encore été mis à l’enquête et on ne sait en l’état pas quand il pourrait l’être. Ainsi, seul l’art. 47 LATC pourrait trouver application. (AC.2020.0152 du 18 mars 2021 consid. 6.e)
On peut encore relever que l’institution d’une zone réservée permet de limiter le contentieux administratif à la seule décision d’institution de cette zone. Au contraire, l’usage de l’art. 47 LATC implique de devoir rendre des décisions de refus de permis de construire pour chaque projet présenté, démultipliant ainsi les procédures distinctes avec un risque de surcharge important pour l’autorité communale. (AC.2020.0244 du 30 juin 2021 consid. 6.e)
Au demeurant, si l’art. 47 LATC permet le refus du permis de construire dès la mise à l’enquête d’une modification de l’affectation, il n’empêche pas qu’un projet particulier soit mis à l’enquête, quel que soit le sort qui soit donné finalement à la demande de permis. (AC.2021.0142 du 7 septembre 2021 consid. 5.a.bb)
En définitive, il appert qu’aucun motif au sens de la jurisprudence citée plus haut ne permet de refuser la mise à l’enquête du projet litigieux. Cela n’implique naturellement pas qu’il puisse le cas échéant être autorisé, notamment au regard de la mise en place future d’une zone réservée sur la parcelle et de l’art. 47 LATC, aspect qui devra être examiné par l’autorité intimée. Au demeurant, celle-ci elle-même expose dans sa réponse qu’il aurait suffi que le conseil de la recourante lui adresse un nouveau courrier pour que le projet soit mis à l’enquête (cf. réponse ch. III.2 in fine), respectivement que celui-ci serait compatible avec le futur règlement sur la zone réservée. On perçoit dès lors avec quelques difficultés les raisons pour lesquelles elle n’a pas procédé à cette mise à l’enquête nonobstant le présent recours. (AC.2021.0142 du 7 septembre 2021 consid. 7)