1 Le taux de prélèvement est de 20% de la plus-value.
2 La plus-value correspond, dans les cas prévus à l’article 64, alinéa 2, à la différence entre la valeur vénale d’un bien-fonds avant et après l’entrée en vigueur de la mesure d’aménagement du territoire.
Le taux de prélèvement est de 20% de la plus-value dans le canton de Vaud, ce qui correspond au minimum prévu par le droit fédéral (art. 65 al. 1 LATC ; art. 5 al. 1 bis LAT). La loi définit la plus-value comme la différence entre la valeur vénale d’un bien-fonds avant et après l’entrée en vigueur de la mesure d’aménagement du territoire.
Méthode de calcul : la législation ne fixe ainsi pas le procédé concret d’estimation de la valeur vénale (calcul). Par valeur vénale, il faut entendre valeur actuelle du marché, soit le prix qui peut être obtenu en cas de vente d’un bien aux conditions normales du marché sans que les éléments inhabituels ou subjectifs ne soient pris en considération (PILLER François, La mise en œuvre de la taxe sur la plus-value dans le canton de Fribourg, Schulthess, Genève/Zürich 2024, p. 32 et les références).
En principe, seule la valeur du sol, c’est-à-dire du terrain, est pertinente. Les éventuelles constructions déjà présentes sur le bien-fonds ne sont pas déterminantes pour la plus-value. En effet, la valeur d’un bâtiment érigé n’est en principe pas modifiée par des mesures d’aménagement du territoire (EYMANN Urs, in ZBl 116/2015 pp. 167-181, p. 172). En revanche, si le sol n’est pas exempt de défauts et prêt à bâtir, il convient de prendre en compte les coûts de viabilisation, d’assainissement et/ou de démolition. Ces coûts sont déduits de la valeur du terrain (idem, p. 173).
Alors, quelles sont les méthodes d’évaluation immobilière envisageables ?
En matière d’expropriation, les tribunaux ont eu l’occasion de se pencher sur les différentes méthodes d’évaluation. Il ressort de la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral que l’utilisation de la méthode statistique est prescrite lorsqu’elle peut être pratiquée, car elle permet d’établir le plus sûrement le prix que serait prêt à payer un nombre indéterminé d’acheteurs intéressés sur le marché libre pour le bien-fonds en question. À défaut, lorsque l’on ne dispose pas de suffisamment de données, les autres méthodes sont utilisées (le résultat de l’une pouvant être vérifiée par une autre, et des combinaisons étant possibles).
La méthode des classes de situation (ou de classification par centralité) repose sur le constat que la valeur du terrain est en corrélation très étroite autant avec la valeur globale du bien-fonds qu’avec le rendement locatif annuel. Elle distingue dix classes, avec des critères d’évaluation et des incidences foncières correspondantes. Il s’agit d’attribuer l’immeuble à une classe et de lui attribuer une note par rapport à chaque critère et la note moyenne donne la classe de centralité. Cette méthode présente l’avantage d’obtenir facilement un prix sans aucune donnée du marché ; le TAF est toutefois d’avis qu’elle doit s’appliquer avec prudence, notamment car l’attribution d’un bien-fonds à une classe repose pour une part importante sur une appréciation subjective. Elle présente toujours un intérêt pour contrôler le résultat d’une autre méthode, ou en cas d’absence d’objets comparables, ou si elle est la plus appropriée eu égard aux particularités de l’objet (TAF A-552/2016 et A-648/2016 du 3 juillet 2018 consid. 5).
La méthode de la valeur résiduelle consiste à déterminer la valeur du terrain sur la base du calcul rétroactif de la valeur de rendement ou du prix de vente après déduction des investissements correspondants. Il s’agit de déterminer en premier lieu la valeur marchande de l’immeuble s’il était construit de manière optimale par rapport à son potentiel constructible, par exemple au moyen de la valeur de rendement, puis en second lieu de soustraire de cette valeur le coût estimatif de la construction neuve, y compris les infrastructures à réaliser, la démolition du bâtiment construit, les frais d’aménagements extérieurs, etc. Le résidu équivaut à la valeur vénale, qu’il convient de calculer deux fois, l’une avant et l’autre après l’entrée en force de la mesure d’aménagement du territoire (PILLER, op. cit., pp 36-37).
Le Tribunal cantonal fribourgeois considère qu’en l’absence de méthode imposée par la loi, il convient de se référer aux méthodes reconnues en matière d’expropriation matérielle (PILLER, op. cit., p. 33).
La doctrine précise que le calcul de la plus-value est délicat dès lors que l’estimation des valeurs immobilières n’est pas une science exacte et que de nombreuses méthodes existent, qui peuvent être plus ou moins appropriées selon les particularités du cas d’espèce. Il est rare que deux experts parviennent à la même évaluation d’un même terrain. Selon POLTIER, l’estimation des valeurs immobilières tient beaucoup plus de l’art que de la science (POLTIER Etienne, La contribution de plus-value de l’art. 5 al. 1bis LAT et sa mise en œuvre dans le canton de Vaud, in JdT 2018 III 67).
Si le terrain est déjà construit, PILLER préconise la méthode de la valeur résiduelle, car elle permet de séparer le coût effectif du terrain et des constructions. Elle peut également être utilisée pour des terrains destinés à de l’habitat individuel, collectif ou des PPE. Pour les terrains non bâtis en revanche, la méthode comparative ou statistique est particulièrement adaptée. Dans tous les cas, il est utile de considérer une pluralité de méthodes (PILLER, op. cit., pp 39-40).
Dans le canton de Vaud, la DGTL a mandaté un expert afin d’établir une méthode-cadre de calcul. Cet expert a préconisé le recours à l’une des méthodes proposées par la norme d’estimation immobilière de référence des principales associations et hautes écoles suisses (Swiss Valuation Standard), à savoir l’approche par compte à rebours (ou méthode dite « à rebours »). Elle consiste à déterminer la valeur du projet qui pourrait être réalisé́ selon les droits à bâtir maximums octroyés par la mesure d’aménagement du territoire, puis d’y soustraire le coût de construction probable et les risques/bénéfices. Le résultat correspond à la valeur du marché. Le même processus peut être appliqué pour déterminer la valeur du terrain avant et après l’entrée en vigueur de la mesure d’aménagement du territoire en cause, lorsque la parcelle était déjà̀ constructible, mais que les possibilités de bâtir ont été sensiblement augmentées. La différence représente alors la plus-value (Tribunal cantonal, CDAP AC.2022.0112 du 3 juillet 2023 consid. 2bb).
Compte tenu du texte légal, il est possible de s’écarter de cette méthode lorsqu’une autre paraît plus adéquate. Le mandataire est alors appelé à justifier les raisons qui l’amènent à s’écarter de la méthode suggérée et d’expliquer pourquoi une autre méthode est mieux adaptée à l’analyse du dossier en question. L’arrêt AC.2022.0112 précité mentionne, sans que la Cour ne se prononce réellement, plusieurs autres méthodes : la méthode comparative (ou statistique), la méthode des classes de situation, la méthode du nombre structurel et la méthode des options réelles (consid. 4).
Par ailleurs, plusieurs acteurs du secteur immobilier ont émis des critiques à l’égard de la méthode-cadre développée par l’expert mandaté par le canton de Vaud.
Concrètement, dans le canton de Vaud, pour chaque cas de plus-value, la DGTL mandate un expert externe. En règle générale, un mandataire unique est désigné pour traiter l’ensemble des cas de plus-value induits par une même mesure d’aménagement. Les propriétaires concernés peuvent demander une contre-expertise à leurs frais (art. 34 RLAT).
En procédure administrative, l’autorité peut requérir, comme moyen de preuve, une expertise lorsqu’elle n’a pas les compétences et les connaissances techniques pour établir elle-même les faits pertinents (voir par exemple art. 29 al. 1 let. c LPA-VD). Cela vaut également en procédure non-contentieuse où l’on parle généralement d’expertise administrative. Partant, à notre sens, l’expert mandaté pour estimer le montant de la plus-value est un expert (administratif) au sens des dispositions procédurales et, par conséquent, soumis à toutes les règles qui en découlent. On pense notamment aux règles de neutralité, d’impartialité, d’information préalable de l’identité de l’expert à l’administré, de récusation, de déterminations et questions de l’administré à l’expert, etc. (CDAP AC.2021.0403 du 28 septembre 2022 consid. 2b, qui cite l’ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; ATF 132 V 443 consid. 3.4).
Le Tribunal fédéral admet la conclusion de contrats de droit public avec des particuliers lorsque la loi cantonale sur l’aménagement du territoire le prévoit ou ne l’exclut pas et lorsque ces contrats sont dans l’intérêt public. De nombreuses villes et communes font usage de cette possibilité. Environ trois quarts de toutes les communes bernoises compensent les plus-values par voie contractuelle (Fiche d’information Taxe sur la plus-value du Secrétariat général du DETEC). Il n’est ainsi pas exclu, en l’état, de trouver un accordavec les autorités.
A noter que le législateur vaudois a expressément voulu une approche de taxation parcelle par parcelle et exclu de prendre en considération un ensemble de biens-fonds détenus par un même propriétaire pour fixer la contribution de plus-value. Toutefois, le Tribunal cantonal n’a pas exclu le traitement conjoint de parcelles appartenant à un même propriétaire, en cas de compensation des avantages par les inconvénients (CDAP AC.2022.0112 précité et AC.2021.0111 du 3 octobre 2022).
Laurent PFEIFFER/Rachel TAGLIANI
31.12.2024